Laïus pour répondre aux journalistes

La question de la transidentité chez l’enfant est régulièrement médiatisée.

Les pratiques journalistiques ne sont pas toujours en faveur de l’accompagnement de nos enfants, et les propos peuvent être décontextualisés pour servir une ligne éditoriale qui affiche une transphobie indirecte.

Elisa vous propose ce laïus avant de répondre à un journaliste :

Bien préparer son intervention dans les médias

Parents d’enfants transgenres, nous sommes parfois sollicités par les médias – presse écrite, télévision ou radio – pour des interviews, des émissions… Si, dans un premier temps, nous pouvons nous féliciter de cette possibilité qui nous est offerte de témoigner, de raconter, d’expliquer, il faut toutefois réfléchir avant d’accepter. Et se poser quelques questions.
S’informer sur le média, sur sa ligne éditoriale (cf. l’ensemble des choix et décisions que fait un comité de rédaction) par exemple, est une priorité : est-il judicieux d’accorder une interview à un magazine plutôt conservateur ? Ou d’accepter une invitation en plateau dans une émission qui sous couvert d’information ne cherche que le sensationnel ?
Cependant, il n’est pas question de rejeter les sollicitations, par crainte du résultat. Presque tout le temps, la démarche est professionnelle, sincère et c’est la volonté de rendre compte d’un fait en toute impartialité et de la manière la plus fidèle qui prévaut. Et il serait dommage de ne pas profiter de cet espace de visibilité.

Voici nos conseils lorsque vous êtes sollicités par un journaliste. 

PRESSE ÉCRITE

A/ Avant l’interview
Avant de donner votre accord, faites-vous préciser les points suivants :

  1. Pour quel média ? 

N’oubliez pas, une fois la conversation terminée, de vérifier la ligne éditoriale si vous ne la connaissez pas. Vous pouvez aussi chercher le nom du ou de la journaliste sur Internet et essayer de trouver d’autres articles qu’il/elle a signés.

  1. Quelle réflexion, démarche a mené à cette demande ? 

N’hésitez pas à demander pourquoi le/la journaliste vous sollicite, comment il/elle est arrivé.e jusqu’à vous. En discutant, vous pourrez vous faire une idée de ses motivations, de la réflexion qui l’a mené.e à rédiger ce papier.

  1. La forme de l’article ? 

Interview classique, article dans lequel vous serez cités ou dans lequel une partie de vos propos seront rapportés, article composant un dossier plus vaste, avec d’autres intervenants.

  1. Son ou ses angle.s ?

« L’angle » est un terme journalistique qui définit la façon dont le/la journaliste va traiter son sujet en dégageant l’essentiel qu’il/elle a retenu. C’est donc un choix éditorial, une prise de position. C’est un point important dont vous devez discuter avec lui/elle. Vous ne devez pas oublier qu’il/elle l’auteur de l’article, que vous n’avez pas à lui dicter ce qu’il/elle écrit. En revanche, vous pouvez spécifier des souhaits (pas d’exigences), faire des demandes, et expliquer pourquoi. Par exemple, ne pas citer le deadname, ne pas mégenrer l’enfant. En règle générale, il/elle accèdera à votre demande, car son but est que vous travailliez ensemble à la sortie de l’article.

  1. La date de publication de l’article ?

Au moment de vous enquérir de la date de parution, vous pourrez demander si il/elle accepte de vous le faire relire avant publication, au moins les passages qui rapportent vos propos, mais juste pour vous assurer qu’il n’y a pas d’erreurs factuelles ou de compréhension, en aucun cas pour demander que des passages soient réécrits ou supprimés. Il ne faut pas oublier que la liberté de la presse est l’un des fondamentaux d’une démocratie et qu’un journaliste n’est pas tenu de se justifier de ce qu’il écrit (sauf des cas spécifiés par la loi). Pour autant, dans le cadre d’un article dans lequel nos propos sont rapportés, on peut très bien demander à le relire et, en général, le journaliste accède à la demande.

Enfin, une fois que vous avez abordé au moins tous ces points, demandez un temps de réflexion. Parler de la transidentité de son enfant est un sujet intime, délicat, sensible ; il/elle comprendra. En revanche, donnez-lui votre réponse rapidement, car il/elle a des délais à tenir, des impératifs de bouclage.
Vous mettrez donc ce temps à profit pour faire le point sur tout ce qui a été dit, en parler avec votre conjoint.e, votre enfant/ado, les frères et sœurs, éventuellement.

B/ Pendant l’interview
Comme vous aurez discuté au préalable avec le/la journaliste, vous avez pu vous faire un peu une idée de la teneur de l’interview. 
Répondez aux questions honnêtement, mais gardez toujours une certaine réserve (même si cela vous touche et c’est normal). 
Essayez d’être le plus pédagogue possible pour éviter des erreurs d’interprétation. Précisez vos propos et soyez clairs.
Soyez dans l’information, pas dans l’émotion (enfin, pas trop !). Gardez bien à l’esprit que tout ce que vous direz sera susceptible d’être retranscrit, et c’est bien normal, c’est le but de l’interview !
Réitérez votre demande de relire avant la parution, mais en précisant bien qu’il s’agit juste d’éviter les erreurs factuelles, pas de vous mêler de son travail !

C/ Après l’interview
Dans le cas où vous auriez convenu de relire l’article, et que votre propos est fidèlement retranscrit, c’est parfait. Vous n’avez pas à intervenir sur l’analyse de journaliste, sauf si vous estimez qu’elle contient des erreurs d’interprétation ou des propos transphobes.
Si en revanche, vous relevez des faits ou des paroles que vous aviez expressément demandé de ne pas mentionner, vous devez lui en faire part. En espérant que vous arriverez à un accord. Encore une fois, le travail du journaliste est de rendre compte de faits et il s’applique à le faire de manière professionnelle.

Conclusion : vous pouvez accepter de donner une interview si vous vous êtes assurés de tous les points mentionnés en A, mais si vous avez le moindre doute sur la ligne éditoriale du journal ou sur les motivations du journaliste, alors déclinez la proposition. Ne vous mettez pas en danger, ni vous ni votre enfant !

TÉLÉVISION

A/ Sur le plateau
Dans le cadre d’une invitation à participer à une émission de télévision, les points 1 et 2 sont applicables : quelle émission ? Quelle chaîne ? Les motivations ? Là encore, la ligne éditoriale de l’émission, et plus globalement celle de la chaîne, a son importance. En revanche, que ce soit du direct ou un programme enregistré, il n’y a pas de filtre. Tout ce que vous dites sera diffusé (même si parfois, des séquences sont coupées) !

À savoir : les émissions sont préparées en amont par une journaliste avec laquelle vous serez en contact mail et/ou téléphone. C’est à ce moment d’échanges que vous pourrez préciser vos demandes et vous informer sur le contenu, le déroulé… C’est le moment aussi où l’émission se construit (demandes de photos, de vidéos, de témoignages de proches…). Si les demandes sont légitimes de la part du/de la journaliste, vous avez le droit de ne pas y souscrire, si cela vous gêne ou gêne votre enfant/ado. 

Pour résumé

Se poser les bonnes questions : 

  • Quelle émission ?
  • Quelle chaîne ?
  • Les motivations qui ont prévalu à sa réalisation.
  • La manière dont le sujet de la transidentité va être abordé et l’environnement : serez-vous seul.e sur le plateau avec l’animateur.rice ? avec d’autres parents ? des médecins ?…

Un conseil : n’hésitez pas à visionner des émissions précédentes en replay.

Attention : si on vous demande que votre enfant participe à l’émission, pesez bien le pour et le contre. 
Le pour : visibilité, témoignage, sensibilisation.
Le contre : exposition de l’enfant, médiatisation risquée autour de sa jeunesse.
Ainsi, comme votre enfant sera impressionné, vous répondrez souvent à sa place et l’aiderez à formuler son propos ; cela risque de passer pour de la manipulation, et conforter dans leur position dogmatique les personnes qui dénoncent l’accompagnement des jeunes enfants et remettent en cause leur autodétermination.

B/ Interview filmée à la maison
Les chaînes et/ou sociétés de production peuvent demander à réaliser une interview filmée chez vous. Pourquoi pas ? C’est même plutôt une bonne idée.
On se sent parfois plus serein.e, plus sûr.e de soi dans son environnement, moins impressionné.e.
Encore une fois, les questions à se poser sont les mêmes : émission, chaîne, programmation… Et les recommandations, aussi.
Chez vous, l’équipe vous demandera de filmer tel ou tel endroit, peut-être de feuilleter un album de photos pour parler de la transidentité, du parcours de votre enfant/ado… Réfléchissez bien à ce que vous souhaitez montrer ou pas, et préciser bien, avant que la caméra tourne, ce dont vous ne voulez pas parler, par exemple. Ou ce qu’il ne faut pas mentionner : deadname ; ou montrer : des photos de votre enfant plus jeune, s’il/elle ne le souhaite pas…

Conseils : visionnez des émissions en replay, et réfléchissez bien à l’exposition médiatique de votre enfant.

RADIO

Vous pouvez aussi être sollicité.e pour une émission de radio. Là encore, vous devez vous poser les mêmes questions et appliquer les mêmes recommandations que précédemment.

À savoir : comme pour la télévision, les émissions sont préparées en amont par une journaliste avec laquelle vous serez en contact mail et/ou téléphone. C’est à ce moment d’échanges que vous pourrez préciser vos demandes et vous informer sur le contenu, le déroulé…

La radio, c’est du direct, donc tout ce que vous direz sera diffusé.

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